07/02/2014

Une archive anarchiste exceptionnelle

Cette vidéo a été mise en ligne fin 2012, je viens de tomber dessus par hasard.
Plus de onze minutes de reportage muet sur les funérailles moscovites du grand géographe et théoricien russe de l'anarchisme, Pierre Kropotkine, mort en février 1921.

On y reconnait notamment, dans la deuxième moitié du film, l'anarchiste russo-américaine Emma Goldman et son compagnon Alexander Berkman, ainsi que Fanny Baron, syndicaliste fusillée six mois plus tard par la Tchéka, Au début du film, il semble que nous soyons en présence du comité organisateur des funérailles, que l'on trouve discutant autour d'une grande table : Alexander Atabekian, traducteur de PK en arménien, Rubintshik, Sandomirski, Petrovsky, Lebedeff, Yartshuk, Tchorny, Askaroff, Pavlov, Barmash,
T. Shapiro, A. Schapiro, Berkman, Borovoy, Piro, Gogelia, Maximoff, Markus et Anossoff (voir photo).



Le site des "Cénobites tranquilles" précise que « le 13 février 1921, à Moscou. Les funérailles de Pierre Kropotkine sont le théâtre de la dernière manifestation libre et de masse en Russie bolchévique. On sait ce qu’il en est advenu par la suite. Sous la pression des libertaires, des prisonniers anarchistes sont relâchés pour leur permettre d’assister aux obsèques. Une foule de cent mille personnes [20 000 selon Wikipedia] suit le cercueil jusqu’au cimetière. Des drapeaux noirs sont déployés, mais aussi des banderoles proclamant : Où il y a de l’autorité, il n’y a pas de liberté. »

Michel Ragon, dans La Mémoire des vaincus (1989), raconte aussi « (...) Dès que la nouvelle de la mort de Kropotkine se répandit, une foule immense se mit en marche. De toutes les queues qui s'allongeaient depuis la Révolution d'Octobre, aucune n'avait atteint l'ampleur de celle-ci. Tout le peuple de la ville et des faubourgs accourait vers ce cercueil où le vieux révolutionnaire ressemblait maintenant à un pope dans une châsse, à une relique présentée à la vénération des masses. Lénine voulait organiser des obsèques nationales. La veuve et la fille de Kropotkine s'y opposèrent, demandant plutôt que les anarchistes emprisonnés bénéficient d'une liberté conditionnelle pour assister aux funérailles. (...) L'inhumation fut fixée au dimanche. 

A l'entrée des jardins du Kremlin, un obélisque dressé portait l'inscription du nom de Kropotkine, mais aussi ceux de Fourier, de Cabet, de tous ces précurseurs du communisme que Marx appelait avec dédain des utopistes. Cent mille personnes s'amassèrent dans les alentours de la Maison des Syndicats, attendant le départ du cortège. (...) Les drapeaux noirs se mêlaient aux drapeaux rouges. Sur des bannières on pouvait lire : "Où il y a autorité il n'y a pas de liberté". (...)  »

La suite du texte de Michel Ragon :


Bref, voici un chouette et exceptionnel document historique.

1 commentaire:

kuriakin a dit…

Si des lecteurs lisent couramment le russe, qu'ils ne se privent pas de nous traduire intertitres et banderoles de ce film... Un petit commentaire et hop ! on est tout de suite moins bête. Merci d'avance.