07/01/2010

La poésie respire encore

Dans le numéro de décembre-janvier de La Décroissance, un bel article à trois voix (Y. Youlountas, G. Allwright,
A. Fauré) sur les poètes qui semblent aujourd'hui être devenus aphones (ou inaudibles), incapables de dénoncer le pouvoir ou de défendre la liberté de l'homme. Propos recueillis par Sophie Chapelle.

Extraits : « (...) La résignation conduit à renoncer progressivement à ses désirs, à taire sa révolte, à accepter l'inacceptable, et à se ranger prudemment dans le trafic quotidien du manège social sans vraiment l'avouer. Les poètes sont là mais, pour la plupart, ils sont transparents et inaudibles, tout simplement parce qu'ils n'écrivent plus debout mais assis, et parce qu'ils chuchotent ce qu'il faudrait crier. On devrait même les reconnaître à l'odeur, au dire de Léo Ferré dans Le Chien : “Un poète ça sent des pieds - on lave pas la poésie - ça se défenestre et ça crie aux gens perdus des mots fériés, des mots, oui, des mots comme le nouveau monde, des mots venus de l'autre côté de la rive !” Aussi faut-il chercher cette autre rive et imaginer le nouveau monde !

(...) Faire acte de poésie, c'est dire autrement pour penser au-delà, c'est désobéir à la langue officielle et à la pensée unique, c'est descendre au plus profond de soi pour y rechercher la vraie surface des choses. C'est surtout pointer une lame sur la peau du monde pour aller toucher ce qui fait mal, chercher et faire saigner le poison qui nous paralyse lentement le cerveau et les membres, et percer les baudruches qui nous détournent des réalités terrestres dans le ciel bleu marine des émissions télévisées (...) »
Yannis Youlountas, poète, auteur de La Mort des poètes (La Gouttière).

« (...) Les sourires alignés, les cravates repassées, ils voudraient nous voir enchristés, telles des images fardées, poudrées, ensuquées, prédigérées. Ils nous veulent crucifiés à nos bureaux minables, inhumains. Ils nous veulent sans cœur, sans âme, sans main, sans idées pour l'avenir et sans projet du passé, dépassés par la course au profit, niés, humiliés, asservis. Mais nous sommes, nous vivons, nous explosons, comme un crachat à la face des exploiteurs et des marchands de canons. On SCOP, on AMAP, on COOP ! On mise sur l'humain, pas comme valeur marchande mais comme espoir solidaire, appelle ça "décroissance" ou "retour à la terre", on y croit dur comme fer ! (...) »
Auriane Fauré, slameuse.

Dans ce numéro, également, un excellent article sur le Burkina Faso et la gestion collective et gratuite des terres remise en cause par le gouvernement.
La Décroissance, le journal de la joie de vivre, mensuel.
16 pages. Abonnement (10 numéros) : 19 euros.

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