02/06/2018

Kupka, l'anar qui révolutionna la peinture

Jusqu'au 30 juillet, le Grand Palais, à Paris, présente une grande et belle exposition rétrospective intitulée "Kupka, pionnier de l'abstraction". Elle retrace le parcours artistique de František Kupka (Bohème 1871- Hauts-de-Seine 1957), « ses débuts marqués par le symbolisme et son évolution progressive vers l’abstraction dont il sera l’un des pionniers ».

L'Assiette au Beurre Religions
L'Ephéméride anarchiste nous rappelle que Kupka « collabore à la célèbre revue satirique anarchisante L'Assiette au Beurre, y réalisant trois numéros – L'Argent (11 janvier 1904), Religions (7 mai 1904), La Paix (20 août 1904) –, mais aussi aux Temps Nouveaux, de Jean Grave (qu'il soutiendra également en faisant des dons aux tombolas de 1908 et 1912), à La Cravache, au Rire, au Cri de Paris, ainsi qu’à des revues anarchistes tchèques. (...) En 1909, il dessine la couverture pour la réédition de la brochure (n°37) sur Le Salariat, de Pierre Kropotkine. Il aurait préparé des illustrations pour La Grande Révolution, de Kropotkine, mais le projet ne se réalisa pas et les dessins n’ont pas été retrouvés. En 1909, il était en correspondance avec Francisco Ferrer pour donner des illustrations à une série de brochures de l'Escuela Moderna. (...) »

L'Assiette au Beurre
Le CIRA de Marseille précise en 2002 que « Kupka n'est pas un anarchiste militant mais sa participation à ces périodiques montre qu'il avait un intérêt certain pour les idées libertaires. Il collabore à treize numéros de L'Assiette au Beurre entre 1901 et 1907.
Kupka critique une société inégalitaire asservie à l'argent. Il s'en prend aux guerres coloniales et aux fureurs nationalistes. Il dénonce l'abrutissement dû à tous les fanatismes religieux. Il n'épargne aucun dogme. Ses attaques sont dirigées aussi bien contre les monothéismes que contre les paganismes ou les "sagesses" orientales. En 1904, Kupka semble s'être éloigné de ses idées mystiques antérieures. Ses dessins de L'Assiette au Beurre sont beaux et percutants. Il quitte L'Assiette au Beurre à l'arrivée d'un nouveau propriétaire. A son sujet, il écrit : "(Il ne) veut que des dessins qui ne troublent pas la digestion de ses lecteurs. Je suis trop révolutionnaire".

Pour Malato
Kupka

Les Temps nouveaux sera illustré à partir de juillet 1904. Jean Grave demande un dessin d'actualité chaque semaine à ses amis artistes (Luce, Signac, Angrand, Delannoy, Van Dongen, Jossot…). Les rapports de Kupka avec Grave resteront formels et occasionnels. Entre 1905 et 1912, Kupka réalise une lithographie, six dessins et des illustrations pour « Le Coin des enfants ».
L'Homme et la Terre
Kupka est aussi l'illustrateur du dernier livre d'Elisée Reclus (1830-1905), L'Homme et la Terre. Il a réalisé ce travail entre 1904 et 1906. Les deux hommes s'appréciaient mutuellement mais on ignore s'ils ont pu collaborer de façon étroite. Avant d'illustrer le livre, Kupka en avait entièrement pris connaissance. On peut y voir plus d'une centaine de dessins : en-têtes, culs-de-lampe et frontispices. Ses dessins sont d'esprit symboliste. De grandes illustrations présentent les civilisations humaines à travers les millénaires. Il y montre entre autres les oppositions entre le progrès et l'obscurantisme. La nudité très présente symbolise la pureté, l'innocence retrouvée des origines. A un ami poète, il écrivait en avril 1905 : "Ce que j'aurais de mieux à faire serait d'aller éduquer les masses avec un homme comme le vieux Reclus, laisser tomber ce lyrisme stupide qui, bon an mal an, envoie des toiles à des expositions snob". »

Reclus

L'expo du Grand Palais présente plusieurs planches de L'Homme et la Terre ainsi que des dessins tirés de L'Assiette au Beurre et des Temps nouveaux.



> La radio tchèque en langue française a aussi évoqué l'engagement anarchiste de Kupka (écouter et lire l'interview).

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