09/11/2015

Au sommaire de "CQFD" de novembre


DOSSIER "Au-delà de Podemos : 
le pari municipaliste"

ESPAGNE. Après avoir touché le plafond de verre d’institutions sourdes à toute expression politique venant de la rue, les espoirs d’une population excédée se sont portés sur Podemos. (... )
Le 24 mai 2015, des listes de convergence issues des mouvements sociaux, composées de militants de base et de figures d’une société civile désireuse de s’émanciper des politiciens professionnels, ont pris Barcelone, Madrid, Saragosse, Cadix, La Corogne… Sans compter Valencia et Pamplona, aux mains de gauches nationalistes, et des dizaines de localités plus petites. Ce dossier est né de la curiosité, et d’une intuition. Ce qui, contre toute attente, a fait basculer les grandes villes d’Espagne à gauche de la gauche, révèle des enjeux qui dépassent sans doute la ligne des Pyrénées.

Partout où nous sommes passés frémissait comme une remontée de sève du vieil esprit libertaire des années 1930 qui irrigue encore, souterrainement, la conscience collective – la guerre civile en moins. Sans dogmatisme, avec l’envie de trouver des solutions à l’urgence sociale et d’expérimenter de nouvelles formes de fonctionnement collectif, en prise avec des pratiques de transformation sociale. De la parole directe, des images et des reportages... De quoi partager avec les lectrices et lecteurs de CQFD la révolte, l’émotion et les doutes cueillis en chemin.

Madrid la rouge ? Entre gestion et subversion > Pour Esperanza Aguirre, candidate malheureuse du Partido popular (PP) aux élections municipales de mai 2015, Madrid est tombé aux mains des « rouges », qui vont implanter des soviets dans tous les districts. « Elle n’est pas con, Esperanza, c’est exactement ce que nous voulons faire ! », goguenardise Pablo Carmona, activiste aujourd’hui en poste à la mairie. Des « rouges » qui, comme en 1936, vont « incendier les églises et violer les bonnes sœurs », selon le tweet d’une députée de Valencia le soir des élections municipales de mai dernier. Où en est-on cent jours plus tard ?

« Prolonger la colère de la rue » : entretien avec Carlos Macías, porte-parole de la PAH de Barcelone > Sous ses lunettes et barbe fine, le visage souriant de Carlos a longtemps voyagé en Amérique latine, rapportant dans les valises de ses yeux une expérience de révolutionnaire avisé. Il retrace l’histoire des Plataformas de afectados por la hipoteca (PAH), luttant contre le système inique des hypothèques et expulsions.

Apoyo Mutuo : Les assemblées ouvertes de la PAH de Vallecas > Après plus d’un demi-million d’expulsions locatives et hypothécaires en cinq ans, la question du logement en Espagne est brûlante. La Plataforma de afectados por la hipoteca (PAH), avec ses 240 regroupements, est devenue un puissant mouvement populaire, riche en expériences. Exemple de l'assemblée de la PAH de Vallecas.

« Tout espace de lutte est aussi un espace de débat » : entretien avec Mayte Sánchez, première adjointe au maire de Puerto Real. > À 31 ans, Mayte est déléguée au logement social et à la participation citoyenne à la mairie de Puerto Real, ville ouvrière de 40 000 âmes dans la baie de Cadix. Elle raconte comment un ancien fief du Parti communiste voué à la construction navale et aéronautique a basculé vers l’hypothèse Podemos.

La mairie des sans-terre > Si les yeux sont le miroir de l’âme, le paysage reflète l’histoire d’un pays. Celui qu’on traverse entre Séville et El Coronil en dit long sur la structure sociale de la région. Depuis la Reconquista, la monoculture latifundiaire règne ici en maître. Et ce ne sont pas les quarante ans de pouvoir sans partage du PSOE en Andalousie qui y auront changé grand-chose. De loin en loin, un bourg apparaît, comme un mirage surgi de nulle part. C’est là où se concentre le peuple sans terre, là où le latifundio vient puiser la main-d’œuvre dont il a – de moins en moins – besoin.

L’agora des 100 jours > Cadix. En juin, après vingt ans de gouvernement municipal conservateur, une liste apparentée Podemos, Por Cádiz sí se puede, a raflé la mairie de cette ville.

Corrala la bahía > « Nous étions quatre familles de Cadix qui venions d’être expulsées. On a ouvert la Corrala La Bahía le 10 janvier 2015. J’ai été la première, l’instigatrice de tout ça ! », lance Stefania avec fierté. Jeune fille au look très quartier, elle a le parler clair, comme qui monte au combat par la force des choses.

La Maison du Peuple > Filiale de General Motors (GM) dans la baie de Cadix, Delphi fabriquait des composants d’automotion – amortisseurs, systèmes de direction et roulements à billes. Puis GM l’a bradé et l’usine a périclité. Huit ans après la fermeture de leur usine, 500 ex-Delphi sont encore sur le carreau, spoliés de leur indemnité de licenciement et abreuvés de promesses.

« La politique se fabrique en dehors de l’institution » > Entretien avec Pablo Carmona, conseiller municipal de Madrid > Pablo est correcteur dans l’édition, il a longtemps participé à l’équipe de distribution de livres de Traficantes de Sueños – librairie, centre de formation et maison d’édition – qui plonge ses racines dans l’autonomie radicale des années 1980 et a aujourd’hui pignon sur rue. Il a participé à Ganemos Madrid, l’une des composantes d’Ahora Madrid, la liste qui a pris la mairie de Madrid autour de Manuela Carmena. Il est à présent en charge de deux arrondissements huppés, Salamanca et Moratalaz.

L’invasion des terrasses volantes : Airbnb contre Barcelone > Les 7,5 millions de touristes visitant chaque année Barcelone semblent un cadeau tombé du ciel par avions low-cost pour l’économie locale. Comment la nouvelle mairie combat-elle la  touristification », qui pousse les habitants à abandonner leur vie de quartier aux promoteurs et à la frénésie locative des usagers d’Airbnb ?

« Prendre d’assaut la terre » : Entretien avec Jacobo Rivero, journaliste indépendant à Madrid > La nouvelle mairie de Madrid vient de l’embaucher pour relancer une radio locale.

ET AUSSI :
• Réfugiés : Au Vigan, on attend… > Le 25 juin, la municipalité du Vigan décide d’accueillir des familles syriennes. Fin octobre, malgré les belles paroles du gouvernement, elles ne sont toujours pas installées. Attendrait-on que soient passées les élections régionales ?
• Démocratie participative à la sauce nantaise > Échaudée par la contestation autour du projet d’aéroport de Notre-Dames-des-Landes, Johanna Rolland, la nouvelle maire de Nantes, a promis d’organiser une série de grands débats citoyens tout au long de son mandat. Le premier d’entre eux, intitulé « Nantes, la Loire et nous », avait comme but implicite de faire passer le projet d’un nouveau pont enjambant la Loire.
• Et l’atome sauva le climat > Contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2%, tel est le défi. Face aux appétits des industriels de l’éolien et du solaire, les promoteurs du nucléaire entendent bien jouer fortissimo leur partition bas-carbonée.
• Turquie : Fièvre ottomane, fictions nationales > Depuis sa formation, l’État turc ne cesse d’étoffer ses principes nationalistes  : à l’indivisibilité de la nation s’adjoignent désormais le ciment idéologique du sunnisme et la réactivation d’un passé ottoman mythifié. Alors qu’un conflit ouvert est en cours entre le gouvernement turc et le mouvement kurde, fantasme d’unité nationale et résistance à l’hégémonie culturelle s’expriment à travers les enjeux linguistiques, au cœur des luttes politiques.
• Un nouveau plan de casse > Jeudi 8 octobre, journée nationale d’action interprofessionnelle et intersyndicale. Au Havre, ce matin, le port et la ville sont complètement bloqués par les manifestants.
• L’école Montessori espionnait les anars ! > Dans une indifférence quasi générale, une bibliothèque anarchiste est mise sous surveillance depuis les locaux d’une école. La NSA ? Les services nord coréens ? Le FSB russe ? Non pas, plutôt de mystérieux barbouzes made in France aidés par des pédagogues bobos.
• Etude de CAF : avis de gros temps sur les mères isolées > Le charcutage des aides personnalisées au logement (APL) va permettre à l’état d’économiser 225 millions d’euros en 2016. Ce n’est pas cher payer le plaisir de mettre les pauvres un peu plus sur la paille.

LECTURES et CULTURES
• Philo : Lordon’s calling > Dans son essai sur l’état, Imperium. Structures et affects des corps politiques, Frédéric Lordon affirme que « la seule force est celle du vertical » et que « le bout de l’émancipation vraie est loin » et « même inatteignable », avant de convenir, en citant Beckett, qu’il faut pourtant garder le cap : « essayer encore, rater encore, rater mieux ». Le philosophe Renaud Garcia nous propose une recension critique de l’ouvrage d’un point de vue anarchiste.
• Entretien : La fabrique du théâtre > Spécialiste de la Révolution française, Guillaume Mazeau est l’auteur de l’époustouflant Bain de l’histoire. Charlotte Corday et l’attentat contre Marat (Champ Vallon, 2009). Il vient de consacrer dix-huit mois à l’élaboration de la pièce Ça ira. Fin de Louis, avec Joël Pommerat, l’un des poids lourds du théâtre français.
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