21/09/2015

Au sommaire de "CQFD" de septembre


Dossier : "Rependre l’outil ! 
Repenser la machine ?"

Présentation du dossier : Le gigantesque réseau coopératif de Cecosesola, au Venezuela, La Conquête du pain, boulangerie bio et autogérée de Montreuil, ou encore Aureasocial, cœur barcelonais des coopératives intégrales catalanes : les diverses formes de l’expérience autogestionnaire et autres réseaux coopératifs ont toujours retenu notre attention. CQFD est de cette veine-là, autogérée et horizontale, et de tous les combats qui font vivre l’expérimentation sociale.

Dès ses balbutiements, à partir des années 1830, les idées du mouvement coopératif – qui défend l’émancipation des travailleurs – se sont fait capter par la philanthropie bourgeoise, soucieuse d’encourager l’esprit d’entreprise des ouvriers. Heureusement, ils ont été légion à résister.

Fondateur des Marmites, ces cuisines coopératives qui fleurissent à Paris avant la Commune, Eugène Varlin envisage par exemple les associations de coopératives comme « le moyen de supprimer le patronat trop multiplié, cet autre parasitisme qui nous exploite ». Également membre fondateur de la Société de secours mutuels des relieurs, cet artisan a fait sienne, sans doute sans la connaître, la pensée de Marx : « Les innombrables formes contradictoires de l’unité sociale ne sauraient être éliminées par de paisibles métamorphoses. Au reste, toutes nos tentatives de les faire éclater seraient du donquichottisme si nous ne trouvions pas, enfouies dans les entrailles de la société telle qu’elle est, les conditions de production matérielles et les rapports de distribution de la société sans classes. »

Repenser la machine en se la réappropriant, voici ce à quoi invite ce courant de pensée. Tous consommateurs, tous producteurs : la solidarité naîtra de l’échange des produits et de la réciprocité des services, pensait Varlin. Ces espoirs ont souvent été déçus... écrasés, même. Aussi bien par les Versaillais que par le socialisme étatique. Ils ont même pu être encouragés par les libéraux, qui en désamorçaient tout esprit critique.

Or, aussi discrètement soit-il, ces pratiques perdurent. C’est à leur rencontre que nous sommes partis : des entreprises récupérées par leurs travailleurs jusqu’aux coopératives fondées de toutes pièces. Leurs premières briques sont multiformes : élaboration d’un projet coopérativiste au cœur de la lutte ou réunion de camarades dans un projet utopiste critiquant le salariatet le capitalisme.

Toutes jeunes expériences, les ex-Fralib (Provence) et les bus d’ABC Coop (Uruguay) empruntent, en terme de production, des circuits bien balisés : l’objet à produire ou le service à rendre était déjà là. C’est la crise, puis la lutte qui ont révélé les envies de fonctionner ensemble, sans patron, en s’appuyant sur les modèles passés et présents. Au sentiment d’exploitation succèdent la solidarité et le plaisir de faire pour tous. Les histoires d’Ardelaine et d’Ambiance Bois, plus anciennes et rodées, témoignent également de belles initiatives où la théorie rencontre la pratique.

Mais l’invocation du mot magique d’« autogestion » ne suffit pas à faire tourner une coopérative. La concurrence, l’éventuelle nécessité d’utiliser les réseaux de distribution dominants, ou de se plier aux lois : autant de pièges à contourner. Rajoutons à cela la reconfiguration des rapports de pouvoir, les mauvaises habitudes et les différents niveaux d’expérience – et l’on obtient souvent un mélange détonant. Le risque d’implosion guette, mais aussi celui d’oublier les principes fondateurs en se lançant à la conquête du marché mondial, explosant les notions vitales d’échelle et de mesure.

Au-delà de ces questions, c’est la transformation de la vie quotidienne de chacun et chacune des protagonistes qui s’expriment dans ce dossier. Remettre en cause les hiérarchies, les inégalités, la séparation entre une classe de maître et une classe de bras : ne plus être un « robot qu’on actionne ». Ne pas s’enfermer dans le cauchemar de Don Quichotte et reprendre prise sur nos vies, ces deux mots d’ordre ne font qu’un. Ça vaut le coup d’essayer !

ET AUSSI :
• Turquie : Erdogan fait sa sale guerre > Le 20 juillet, à Suruç, ville turque frontalière de la Syrie, un attentat-suicide cause la mort de 33 jeunes venus en délégation pour participer à la reconstruction de la ville de Kobané, dans le Rojava. Prenant prétexte du choc causé par ce massacre, le président turc Erdogan obtient le blanc-seing de l’Otan pour déclarer la guerre au terrorisme et lancer une offensive contre… l’ennemi intérieur kurde.

• Migrants : « We are not going back ! » > Le week-end du 26 juillet, le réseau No Border appelait à converger vers le camp des migrants à la frontière italienne pour se mobiliser contre l’entrave à la circulation des personnes. Retour sur la situation à Vintimille, ville fermée.

• « A bord, tout le monde était terrorisé » > Cet été, CQFD a croisé quelques sans-papiers faisant escale à Marseille, et ces derniers ont pris le temps de nous raconter leur périple.

• Un incubateur contre les migrants > Pour repousser les migrants, Paris n’a pas besoin de barbelés tueurs comme à Calais, de murs militarisés comme en Hongrie, de néo-nazis comme en Allemagne ou de lois punitives comme en Grande-Bretagne : marketing politique et spéculation immobilière font l’essentiel du boulot.

• Hacktivisme : L’Anonymous « emburé » > Dix ans de prison et la menace de 150 000 euros d’amende : c’est la peine qu’encourra Loïc, un Anonymous de 19 ans, en novembre prochain, au tribunal correctionnel de Nancy. Accusé d’« accès et maintien frauduleux » dans un système informatique « commis en bande organisée », l’hacktiviste a surtout commis le crime de dénoncer, via des piratages de sites Internet, le gaspillage d’argent public et le déni de démocratie liés au projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure.

• Histoire : Poitiers, le mythe martelé > « Pour nier ce choc des civilisations, certains historiens ont limité la portée de la bataille remportée par Charles Martel », qui, comme on le sait, a bouté les Sarrazins hors du royaume des Francs en 732 à Poitiers. Voilà comment le comédien Lorànt Deutsch alimentait la thèse d’un conflit permanent entre Islam et Occident dans un de ses best-sellers pseudo-historiques. Pour William Blanc et Christophe Naudin, historiens et auteurs de l’ouvrage Charles Martel et la bataille de Poitiers (éditions Libertalia, 2015) la place de Poitiers dans le roman national n’est pas si franche que ça, mais, en revanche, son instrumentalisation politique est fâcheuse.

• Bouquin : Halte, tu sers à rien, Louis ! > Disparu il y a près de quinze ans, le philosophe Louis Althusser ne semble désormais plus fasciner que quelques exégètes. A l’époque du rayonnement du structuraliste de la rue d’Ulm, l’historien anglais Edward P. Thompson avait critiqué les élucubrations d’un Althusser. François Jarrige salue dans nos colonnes la traduction récente de Misère de la théorie et revient sur deux démarches intellectuelles radicalement distinctes.

ET LES CHRONIQUES :
• La ferme bouillonne > Occupée depuis la fin d’année 2012, la ferme des Bouillons vient d’être expulsée le 19 août dernier. Cette terre agricole, exploitée depuis l’âge de fer, risque de tomber dans les mains du groupe Auchan et de se faire écraser sous le béton d’un centre commercial. Reportage.
• Mais qu’est-ce qu’on va faire de… La santé publique ? 
• Cap sur l’utopie > À la rencontre des peuples à l’écart.
• Post-human wars ? > Dans un manifeste publié cet été, des centaines de chercheurs massés derrière un Stephen Hawking ou un Noam Chomsky nous ont resservi la distinction entre la bonne science, qui apporte toujours davantage de progrès à l’humanité, et la mauvaise science, qui conduit à fabriquer des robots tueurs, pardon, des systèmes d’armes rendus autonomes grâce aux perfectionnements de l’intelligence artificielle.
• Chacune cherche sa chatte > Même (surtout ?) en tant que féministe, il est forcément des femmes dont on n’apprécie pas trop la manière d’être femme...

> Le site de CQFD.

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