10/11/2014

Actuellement en salles



"Vers Madrid - The Burning Bright 
(Un film d'in/actualités)", de Sylvain George

Vers Madrid The Burning Bright
« Vers Madrid-The Burning Bright est un newsreel qui atteste des expérimentations politiques et poétiques, mises en œuvre par des milliers d’individus à Madrid en 2011, 2012… Le 15M est le premier "mouvement" d’envergure du XXIe siècle que connaissent les sociétés occidentales, et qui donnera lieu aux différents "Occupy" à travers le monde. Un processus transhistorique et transfrontière qui vient de loin, réactive et travaille des concepts et notions clés de la philosophie politique occidentale, trop longtemps oubliés : demos, logos, révolution… Place Puerta de Sol, passé et futur se rencontrent dans le présent où ils se réinventent constamment. Vers Madrid, Place Puerta del Sol, les pays d’Europe et du monde se sont tournés comme les fleurs vers le soleil. »

Lu dans le dossier de presse du film (extraits) :
ENTRETIEN AVEC SYLVAIN GEORGE par Gabriel Bortzmeyer

Pourquoi être allé en Espagne, à Madrid ?
Je suis d’une façon générale extrêmement intéressé par les gestes, quelle que soit leur nature (poétique, philosophique, politique, etc.), qui tendent à subvertir les catégories autorisées, les identifications en vigueur, le consensus, et à tracer des lignes de fuite. Mais j’ai été particulièrement saisi, comme beaucoup de gens, par les premières images qui nous parvenaient d’Espagne en 2011 : des assemblées générales de plusieurs milliers de personnes en pleine rue ; l’occupation de la place Puerta del Sol, à l’instar de la Place Tahrir, en Egypte, quelques mois plus tôt...

Le 15 mai 2011, en effet, quelques mois après ce qu’on a appelé le «Printemps arabe», surgissait le « mouvement » du 15-M, aussi connu comme la « Spanish Revolution », ou comme le « mouvement des Indignés » ainsi que le nomma la presse en référence à l’opuscule de Stéphane Hessel. Pendant un mois, les regards se sont tournés vers Madrid et la place Puerta del Sol, un temps foyer d’irradiation de l’Espagne et du monde. Que pouvait signifier la présence de milliers de personnes dans les rues et les places des principales villes et villages d’Espagne ?

Que voulait dire ce slogan « Non, ils ne nous représentent pas » et quelles en étaient les implications politiques ? Si, ainsi qu’il est communément admis, les révolutions arabes appelaient de leurs vœux l’avènement de la démocratie, s’agissait-il simplement en Espagne de pointer la crise de la représentation politique qui frappe les démocraties occidentales ? La régression, dans sa pratique, de la démocratie ? S’agissait-il de la première révolution du XXIe siècle en Occident ? (...)

Dans un film sur un mouvement, vous ne documentez pas que le mouvement : il y a les déserts urbains, le jeune migrant solitaire, les arbres et les fleuves, les statues, d’autres choses encore. Pourquoi ces images autres, comment se marient-elles à celles de la lutte en cours ?
J’essaie, sur un mode poétique, de créer des correspondances entre des éléments, des motifs, des réalités qui sont parfois éloignés les uns des autres, ou qui paraissent éloignés de prime abord et qui pourtant sont bel et bien connectés. Je fais appel à des « documents » qui viennent enrichir ma lecture et compréhension de l’Espagne et du monde aujourd’hui.

Il y a donc des sortes de stases : la séquence de la ville fantôme Sesena qui permet d’évoquer à la fois, les politiques ultralibérales, la spéculation immobilière, la crise du logement, les expulsions auxquelles procèdent des banques pourtant renflouées par l’Etat espagnol, et le sentiment d’abandon qui traverse la société espagnole ; le tombeau de Franco, la statue de Lorca, permettent de souligner la question du post-franquisme en Espagne ; la séquence du jeune migrant rencontré Place Puerta del Sol alors qu’il venait de sortir d’un centre de rétention de Malaga, est une façon de s’intéresser à une personne sans papiers en Espagne, vivant dans des conditions extrêmement dures, et par extension de montrer que le processus du 15 M rassemble des gens de générations, d’origines ou de classes sociales très différentes allant du sous-prolétariat à la petite bourgeoisie... (...)

(...) C’est la base de tous les grands mouvements depuis 68, 
cette prise de parole envers et contre tout (...)
A Madrid, comme à Vancouver, Wall Street, Taksim (et plus généralement tous les «Occupy», puisque Madrid signe le début de ce processus), la problématique commune me semble être celle-ci : comment, dans un système « démocratique » qui accorde plus de crédit à la parole des financiers qu’à celle des citoyens, dans lequel les personnes ne s’estiment pas être écoutées par les partis politiques et les syndicats traditionnels, une parole peut-elle émerger et se déployer ? (...)

La première partie montre, de manière non exhaustive, en s’attachant à des détails, les différents registres de ces paroles politiques : prises de paroles spontanées, témoignages personnels, commissions, assemblées générales, interventions philosophiques; mais aussi une certaine idée de la jeunesse, entendue comme un éveil permanent à la créativité ; ainsi que l’énergie, le désir, la joie qui irradiaient dans tout le camp. La deuxième partie (anniversaire du 15M en mai 2012), puis la troisième partie (septembre 2012), montrent à travers des manifestations, happenings, etc., comment le 15M n’est pas une indignation passagère (...) ni même un mouvement organisé, mais un processus, absolument horizontal, qui traverse le temps présent comme le temps passé. (...)
> Les pages du film sur le site de Noir Production.


  Lu sur CineEuropa :

Le film (...) est une vaste fresque documentaire informative de deux heures et demie qui rend parfaitement la beauté et l'émotion des premières journées de campagne à la Puerta del Sol de Madrid et montre la grande variété de gestes, sons, mots, corps, phrases, idées, pensées, discussions, évolutions et violences policières auxquels ce mouvement qui illustre les grands changements que traverse la société espagnole a donné lieu.
Le film propose deux angles : d'une part un regard interne qui sert de témoin et colle aux événements en essayant d'enregistrer toutes les nuances de ce mouvement caractérisé par son hétérogénéité, sa fraîcheur, son imagination, sa spontanéité et sa complexité, de ce soulèvement qui constitue un des premiers mouvements de protestation du XXIe siècle en Europe ; d'autre part, un regard détaché, étranger, qui utilise des références liées à la mémoire espagnole comme García Lorca, des éléments que certains spectateurs jugent actuels et d'autres plus indépendants des faits qui restent à l'ordre du jour.

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