20/03/2014

L'autorité en question

Un nouvel article très dense et très intéressant d'Internet Actu, signé Hubert Guillaud, fait le point sur "Ce que l’internet n’a pas réussi : distribuer l’autorité".

Long (une vingtaine de feuillets peut-être), avec énormément de références d'études et de livres (accompagnées de leurs hyperliens), il pointe du doigt les paradoxes, les contradictions, les espoirs déçus, le poids des traditions nationales, tant dans le cadre de l'entreprise et de l'idéologie managériale que dans celui du Web collaboratif ou des recherches open source. Même s'il est loin d'être exhaustif (ce n'était pas son but), il constitue un bon point de départ pour réfléchir, ouvrir et alimenter le débat notamment sur la société à construire et les difficultés à le faire.

Pour vous titiller les neurones et vous donner envie de vous plonger dans ce texte, 
voici les têtes de chapitres de l'article, qui annoncent assez fidèlement ce qui suit :
– Notre besoin d’autorité est impossible à rassasier
– Pourquoi nos chefs sont-ils nuls ?
– Le management par la coercition
– Pourquoi sommes-nous si soumis à l’autorité ?
– Les rituels, les règles, les processus sont devenus nos nouvelles autorités
– L’autorité, c’est plus simple
– L’internet a-t-il vraiment fait la démonstration de notre capacité à collaborer ?
– La collaboration en ligne demeure limitée
– Comment l’éthique de la collaboration a-t-elle été idéologisée ?
– La disparition de l’autorité est-elle une illusion ?


EXTRAITS ET PICORAGES :
(...) l’internet ne nous annonçait-il pas une nouvelle remise en cause des autorités ? Ne nous promettait-il pas le règne des collectifs auto-organisés, l’innovation ouverte, l’organisation distribuée, libre et autonome ? Pourquoi l’intelligence collective, démultipliée par le réseau, n’est-elle pas parvenue à bouleverser les rapports d’autorité classiques ? On peut même se demander pourquoi elle semble même les avoir renforcés. Que s’est-il donc passé ? 

Pourquoi les gens éprouvent-ils un tel besoin d’autorité ? Comment peut-on croire que c’est par un chef qu’on remettra les choses en place – alors que l’essor des structures en réseau ne cesse de tenter d’en montrer les limites ? Pourquoi le contrôle, les hiérarchies, les processus semblent-ils partout se développer au détriment de l’autonomie et de la coopération ? Les structures organisationnelles en réseaux ont-elles fait démonstration de leur supériorité ? Pas si sûr, et c’est peut-être bien là le problème. (...)

Et si notre problème par rapport à l’autorité ne reposait pas tant que cela dans la figure du chef que dans notre soumission ? C’est ce qu’évoque le philosophe Vincent Cespedes, auteur de L’ambition ou l’épopée de soi dans un article pour le HuffingtonPost. Selon lui, la France ne traverse pas une crise conjoncturelle, mais un problème “psychobureautique”, pour faire référence aux travaux du sociologue américain Robert King Merton. Il s’agit d’une tendance à sacraliser les règles. 

L’intelligence connective, elle, est mue par deux pulsions antagonistes, mais trouvant une émulation prodigieuse grâce aux nouvelles technologies : le désir de liberté et le désir de communauté. Le but devient alors de viser un idéal commun et d’en tirer un plaisir maximal. Pour le philosophe, c’est ce qui explique qu’un vaste “marché aux causes et jouissances” se soit ouvert sur la toile, composé d’extrémismes de tout poil et d’ayatollahs du dimanche. 

Selon lui, la grande responsable est l’école, qui continue de faire de la sélection par l’obéissance inconditionnelle aux règles.  S’il est certainement réducteur d’accuser l’école de tous les maux, force est de constater que le caporalisme, cet assujettissement à la règle, au processus, au corps, à la fonction, parfois même la devançant, semble un phénomène de plus en plus courant. Peut-être que cela s’explique quand le processus prend le pas sur les hiérarchies, c’est-à-dire quand le respect des process devient la principale règle de fonctionnement des organisations. Si nous doutons des hiérarchies, les processus qui leur ont succédé nous proposent des modes d’organisation encore plus stricte, tout le contraire de ce qui favorise la coopération. (...)

CONCLUSION :
(...) Certes, l’intelligence collective, réticulaire, rhizomique, acentrée, décentrée, distribuée… n’a pas encore fait toute la démonstration de sa puissance. Ce n’est pas pour autant que nous devons y renoncer. La confiance, la coopération, l’autonomie et la liberté sont les seuls remèdes à notre “impouvoir”. 

Aucun commentaire: