09/07/2012

Du nouveau en Amérique latine

Lu sur Alterfinfos-DIAL (Diffusion de l’information sur l’Amérique latine) (extraits) :
Souveraineté alimentaire : initiatives venues de la base
« [...] Au Paraguay, la communauté El Triunfo, dans l’ouest du pays, est un exemple des 36 occupations de terres – représentant 7 000 hectares au total – réalisées par l’Association des agriculteurs du Haut Paraná (ASAGRAPA) vers 1989. El Triunfo dispose de 900 hectares qui sont la propriété collective de la communauté depuis 2002. Une partie de cette terre est réservée à un usage collectif – elle abrite deux écoles, un centre de formation et un hangar – et le reste est réservé à un usage privé. Il y a quelques années, les paysans se consacraient à la culture intensive du soja. Aujourd’hui, ils cultivent haricots, riz, maïs, manioc et toute sorte de légumes verts et plantes maraîchères.

Chaque paysan détient entre sept et dix hectares, qu’il utilise pour sa propre consommation, pour des productions traditionnelles ou pour produire des légumes qu’il commercialise ensuite à la foire régionale de Ciudad del Este, capitale du département du Haut Paraná sur la frontière avec l’Argentine et le Brésil, afin de se procurer ce qu’il ne produit pas dans ses champs (huile, sel, outils, médicaments, etc.). D’une monoculture destinée à l’exportation, les paysans sont passés à une diversité de cultures ; ils ont délaissé les produits chimiques toxiques et ils apprennent des techniques de culture durable pour bonifier les sols et produire des aliments biologiques.

D’une certaine façon, ils reprennent tout depuis le début et, lentement, les terres redeviennent extrêmement fertiles. Mais actuellement tout l’enjeu est de dépasser ce stade: il s’agit de consolider les communautés, d’engager des discussions sur de nouveaux modèles de communauté paysanne, de sensibilisation politique et d’organisation communautaire, pour développer les projets associatifs et communautaires. Dans cet esprit, les paysans considèrent que la propriété collective des moyens de production (terre, outillage, machines, camions pour écouler la production) leur garantit que, en dépit d’un usage privé de la terre, il ne se créera pas de différence au sein de la communauté. [...]

Le Venezuela est, avec la Bolivie et l’Équateur, un des pays où la dynamique politique a fini par modifier les lois pour donner des conditions favorables à l’agriculture biologique.
La Loi pour des pratiques agricoles intégrales saines dispose que "en vue de la transformation du modèle économique et social de la Nation, l’exécutif, par le biais de ses organes et services compétents, défendra l’agriculture biologique comme base scientifique de l’agriculture tropicale durable, à l’intérieur du système de production du pays, avec l’élaboration et l’exécution des projets nécessaires pour encourager et stimuler le processus de production d’aliments biologiquement de bonne qualité, en quantités suffisantes pour nourrir la population, et promouvoir l’enseignement et l’apprentissage de pratiques 
agricoles écologiques".

Dans le même ordre d’idée, un accord passé avec Cuba a permis l’installation de
17 laboratoires de production d’engrais et d’agents de lutte biologiques pour une gestion écologique des systèmes de production agricole de l’Institut national pour des pratiques agricoles intégrales saines. Le laboratoire Cipriano Castro, par exemple, dans l’État occidental du Táchira, produit des intrants qu’il fournit gratuitement aux petits producteurs et réalise des enquêtes participatives dans les mêmes unités de production pour améliorer la qualité des intrants et vérifier le travail des producteurs qui adoptent cette technologie.

Au Brésil, depuis 1999, la colonie Filhos de Sepé, qui appartient au Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST), occupe 6 000 hectares à quelque 40 kilomètres de la ville de Porto Alegre, à l’extrême sud du pays. Elle rassemble 700 familles qui pratiquent une nouvelle forme de campement : des unités de 15 à 20 familles sont créées, dont les parcelles sont disposées en triangles qui convergent vers un "centre" de manière à ce que les habitations restent proches les unes des autres (pour les besoins des tâches collectives) mais que chaque paysan occupe la parcelle qui lui revient.

Les gens de Filhos de Sepé ont observé que non seulement la culture biologique de riz est rentable mais aussi que le rendement par hectare est exactement deux fois plus élevé qu’avec des produits toxiques. Ils ont renoué avec l’ancienne tradition consistant à utiliser des canards pour préparer la terre avant de la cultiver. "Les canards mangent toutes les herbes et nettoient le terrain beaucoup mieux que n’importe quel poison chimique, en plus de l’enrichir avec leurs excréments. Nous laissons pendant des mois les canards sur la terre pour qu’ils la préparent. Ensuite, au moment de semer le riz, nous les retirons puis nous les vendons ou les mangeons", a raconté Huli Zang, du MST, au cours d’un entretien avec le journaliste uruguayen Raúl Zibechi publié en 2006 par l’Agence latino-américaine d’information (ALAI). Mais se pose aujourd’hui le problème de la certification car ceux qui en sont chargés sont liés aux entreprises qui commercialisent des produits transgéniques.
"La destruction des barbelés du domaine a été moins difficile que la lutte contre les moyens technologiques employés par les transnationales", déclarait Zang. La colonie Filhos de Sepé fête ses quatorze années de travail sans produits toxiques.

Toute l’Amérique latine connaît une intensification du rejet des produits transgéniques, fréquemment sous la forme d’actions coordonnées entre divers mouvements sociaux. Cette union des forces du refus débouche sur une action coordonnée en faveur de nouvelles lois protectrices, de réseaux de commerce équitable, d’une production agricole biologique, d’une bonne santé communautaire, d’une éducation populaire, entre autres, ce qui accroît l’efficacité de la chaîne de production. Témoin le développement des réseaux de commerce équitable, où des personnes qui ont commencé en tant que militants "politiques" consomment et/ou produisent aujourd’hui des produits biologiques, ou soutiennent de différentes manières les circuits de distribution de produits respectueux de l’environnement. [...] »

Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine. Article de Juan Nicastro (Noticias Aliadas, 12 juin 2012), traduction de Gilles Renaud pour Dial. 

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