Communiqué commun Ligue des droits de l’Homme,
Syndicat de la Magistrature, Syndicat des Avocats
de France
« Alors que le Sénat l’avait supprimée, la majorité présidentielle de l’Assemblée nationale, toujours aux ordres du pouvoir exécutif, a, par un amendement, rétabli une disposition qui autorise la création d’un fichier centralisé des nouvelles cartes d’identité dotées de puces électroniques. A terme, l’ensemble de la population française verra donc ses données biographiques et biométriques d’identité (état civil, adresse, taille, couleur des yeux, empreintes digitales, photographie) fichées au ministère de l’Intérieur. Une disposition démesurée et dangereuse pour les libertés publiques, unique dans les pays démocratiques et qui laisse la porte ouverte à toutes les dérives. Ce choix, sans justification raisonnable, est dans la continuité de la politique de surveillance généralisée des citoyens menée par les gouvernements de droite successifs qui, en moins de dix ans, ont fait voter pas moins de 42 lois sécuritaires et doublé le nombre de fichiers de police. Nous ne pouvons accepter cette politique de fuite en avant irrationnelle et nous militerons pour l’abrogation de cette disposition autoritaire. »
Paris, le 16 décembre 2011
Le Fnaeg, ne vous en fichez pas !
Communiqué LDH-SdAF-SdM (21 novembre 2011)
« L’histoire du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg), créé en 1998, est, comme celle de nombreux autres fichiers, celle d’une expansion permanente qui finit par rompre gravement l’équilibre nécessaire en démocratie entre deux objectifs légitimes : la recherche des auteurs d’infractions d’une part et la protection des libertés individuelles d’autre part. Expansion de son objet, d’abord, puisque, créé pour l’identification des auteurs de crimes et délits sexuels commis sur les mineurs de quinze ans, le Fnaeg concerne aujourd’hui presque toutes les infractions, y compris les moins graves qui, pourtant, donnent très rarement lieu à des expertises génétiques dans le cadre
des enquêtes…
Expansion, surtout, du nombre de personnes inscrites dans le fichier. En moins
de dix ans, six lois sont venues étendre le champ des prélèvements génétiques, si bien qu’aujourd’hui, plus de 1 700 000 profils sont recensés dans le fichier, pour des délits aussi divers que les vols, les extorsions, les dégradations ou les usages de stupéfiants…
Pire, il n’est pas nécessaire d’être condamné pour être inscrit, il suffit simplement que des soupçons aient été portés sur la personne, et encore, pas par un magistrat mais le plus souvent à l’initiative de la police. A l’heure où plus d’un citoyen sur cinquante figure au Fnaeg, il est inquiétant de constater que plus d’un million n’y sont inscrits que comme simples suspects…
Cette augmentation démesurée du nombre de personnes fichées a fini par changer la nature du Fnaeg, initialement réservé aux personnes condamnées pour des crimes à caractère sexuel. L’inscription au fichier devient une peine en soi et crée une présomption de culpabilité appuyée sur un fichier de suspects permanents. Et ce n’est pas la durée de conservation des données qui pourra apaiser les inquiétudes 40 ans pour les condamnés, 25 pour les simples suspects- : un tel délai est manifestement disproportionné, à tel point que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 16 septembre 2010, a dû rappeler que ces durées devaient être plus strictement limitées, notamment pour les mineurs.
Sans grand effet pour l’instant…
La fébrilité du gouvernement, sur ces questions, est pourtant patente : refusant de se soumettre à un prélèvement de leur ADN, trente-quatre faucheurs d’OGM, condamnés par la justice française, se sont tournés vers la Cour européenne des droits de l’Homme pour violation de leur vie privée. Plutôt que d’attendre sereinement l’arrêt, le ministère des Affaires étrangères a entrepris de leur proposer une somme d’argent afin qu’ils se désistent de leur action. Ils ont naturellement refusé, car ils sont de ceux qui pensent que
les libertés publiques n’ont pas de prix. La manœuvre, toutefois, est éloquente !
Mais le pire est peut-être à venir. Les progrès en génétique semblent bien démontrer que les marqueurs génétiques entrés dans le fichier pourraient donner des informations assez précises sur l’origine géographique ou les prédispositions pathologiques des personnes inscrites. Il s’agirait dès lors, ni plus ni moins, que de constituer un fichier de type quasi-ethnique. Tout le contraire, en somme, des exigences minimales de la législation et des assurances données par les gouvernements successifs. Le 7 novembre dernier, Xavier Renou, membre des "désobéisseurs" poursuivi pour un refus de son prélèvement ADN, a vu son procès reporté dans l’attente de réponses aux questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par sa défense, notamment sur le caractère codant des marqueurs génétiques. Le Conseil constitutionnel aura donc, très vraisemblablement, à se prononcer sur
cette question de première importance. [...] »
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