15/10/2011

Fragment d'anarchie

Juste pour le plaisir...
L'anarchie, d'Elisée Reclus (1830-1905)
Conférence prononcée en juin 1894. Extrait.
elisee reclus

« [...] D'ordinaire on ne se permettait même pas de se préparer à un changement de prince ou de dynastie sans avoir fait hommage ou obéis­sance à quelque souverain futur : "Le roi est tué ! Vive le roi !" s'écriaient les sujets toujours fidèles même dans leur révolte. Pendant des siècles et des siècles tel fut immanquablement le cours de l'his­toire. "Comment pourrait-on vivre sans maîtres !" disaient les esclaves, les épouses, les enfants, les tra­vailleurs des villes et des campagnes, et, de propos délibéré, ils se plaçaient la tête sous le joug comme le fait le bœuf qui traîne la charrue. On se rappelle les insurgés de 1830 réclamant "la meilleure des républiques" dans la personne d'un nouveau roi, et les républicains de 1848 se retirant discrètement dans leur taudis après avoir mis "trois mois de misère au service du gouvernement provisoire". A la même époque, une révolution éclatait en Allemagne, et un parlement populaire se réunissait à Francfort : "l'ancienne autorité est un cadavre" clamait un des représentants. "Oui, répliquait le président, mais nous allons le ressusciter. Nous appellerons des hommes nouveaux qui sauront reconquérir par le pouvoir la puissance de la nation." N'est-ce pas ici le cas de répéter les vers de Victor Hugo :
Un vieil instinct humain mène à la turpitude ?

Contre cet instinct, l'anarchie représente vrai­ment un esprit nouveau. On ne peut point reprocher aux libertaires qu' ils cherchent à se débarrasser d 'un gouvernement pour se substituer à lui : "Ôte-toi de là que je m'y mette !" est une parole qu'ils auraient horreur de prononcer, et, d'avance, ils vouent à la honte et au mépris, ou du moins à la pitié, celui d'entre eux qui, piqué de la tarentule du pouvoir, se laisserait aller à briguer quelque place sous prétexte de faire, lui aussi, le "bonheur de ses concitoyens". Les anarchistes professent en s'appuyant sur l'observation, que l'État et tout ce qui s'y rattache n'est pas une pure entité ou bien quelque formule philosophique, mais un ensemble d'individus placés dans un milieu spécial et en subissant l'influence. Ceux-ci élevés en dignité, en pouvoir, en traitement au-dessus de leurs concitoyens, sont par cela même forcés, pour ainsi dire, de se croire supérieurs aux gens du commun, et cependant les tentations de toute sorte qui les assiègent les font choir presque fatalement au-dessous du niveau général. [...] »

> Texte complet (pdf) disponible à la zinelibrary.

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