« Proudhon et l'anarchie »
Colloque international annuel de la Société P.-J. Proudhon
Proudhon et l'anarchie. Préambule au colloque.
« "Qui a proclamé l’Anarchie ? C’est moi", écrit très tôt Proudhon dans ses Carnets (I, 98). Le lecteur rencontre à vrai dire chez lui deux usages du mot "anarchie". Il y a l’anarchie négative (quand il parle par exemple de l’anarchie capitaliste), qui signifie clairement : désordre, irrationalité, chaos. Et il y a l’anarchie positive (Les confessions d’un révolutionnaire), ou "l’anarchie pure" (L’Idée générale de la Révolution), qui signifie au contraire : ordre, dynamisme, rationalité.
On n’apprendra à personne que le mot "anarchie" signifie absence d’arkhê, de principe ultime ou premier, de commandement structurant ce qu’il commande. Le paradoxe de l’anarchie négative, au sens où Proudhon emploie ces mots, est qu’elle pose effectivement l’existence d’une arkhê, mais d’une arkhê qui vient dérégler ou déstructurer ce qu’elle prétend organiser, parce qu’elle le pose d’emblée comme incapable de se régler ou de se structurer par lui-même. C’est dire qu’elle se donne comme antérieure et transcendante à ce qu’elle est appelée à organiser de l’extérieur. Mais ce qui se présente comme un donné est en fait le fruit d’une opération, qui a consisté à isoler, à séparer, à extérioriser et du coup à rendre intangible et indiscutable la supposée arkhê. Isoler, séparer, extérioriser, rendre intangible et indiscutable, cela se dit, en lexique proudhonien, "absolutiser", rendre absolu, poser ou se poser en absolu.
Il y a l’absolu de la propriété, il y a l’absolu du pouvoir, et il y a ce qui s’ensuit : la confiscation abusive, dans l’un et l’autre cas, et selon des modalités à la fois différentes et complémentaires, de la force collective. Une force collective qui, dans le premier cas, n’est déniée que pour mieux être capitalisée et qui, dans le second cas, n’est reconnue que dans son incapacité à s’auto-organiser.
L’arkhê, l’absolu, nient que puisse exister un ordre immanent à la force collective ; mais ils ne se contentent pas de le nier, ils l’empêchent effectivement d’advenir, et produisent en conséquence un faux ordre, un ordre injuste, qui, parce qu’il est forcé, n’est jamais qu’un désordre. On comprend de la sorte que l’anarchie positive soit une lutte contre toute arkhê, contre tout absolu, non pas au nom d’une conception opposée tout aussi arbitraire, mais au nom d’un ordre vrai, ou juste, co-extensif au libre déploiement de la force collective. On comprend aussi que l’anarchisme proudhonien mérite d’emblée l’adjectif de "social" et qu’il échappe au faux dilemme de l’individualisme et du holisme.
Cela ne signifie pas que disparaissent tous les problèmes : problèmes liés à d’autres conceptions, antérieures ou postérieures, de l’anarchisme ; problèmes internes à l’œuvre de Proudhon (est-il fidèle à son inspiration première jusqu’au bout, et toujours ?) ; problèmes de l’actualité critique et organisatrice de sa doctrine, etc. C’est ce champ de problèmes que le colloque se donne pour tâche d’explorer. » G. Navet.
Programme
9 h 30, Anne-Sophie Chambost : "Proudhon et le débat autour de la législation directe" ; 10 h, Alexis Dabin : "Idéal et pragmatisme chez Proudhon" ; 11 h, Edouard Jourdain : "Du chaos à l'ordre : anarchie négative et anarchie positive dans l'œuvre de Proudhon" ; 11 h 30, Thierry Menuelle : "Quelle régulation économique dans l'anarchie proudhonienne ?" ; 12 h, débat. 14 h, Jorge Cagiao : "Le débat anarchie-fédéralisme dans les études proudhoniennes" ; 14 h 30, Gaetano Manfredonia : "Anarchie et nation chez Proudhon et Pisacane" ; 15 h 30, Alfredo Gomez-Müller : "L'anarchie latino-américaine et la réalité indigène".
LIEU : FIAP Jean Monnet (Foyer international d’accueil de Paris)
30, rue Cabanis, Paris 14e. M° Glacière (ligne n° 6). Entrée libre et gratuite.
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