
Dans son blog Médiapart intitulé "¡Ocupar, resistir, producir!", Baptiste Bloch nous fait un résumé de la nouvelle "loi sur les faillites", qui vient d'être approuvée par le Sénat argentin et éclaircit
la situation des "entreprises récupérées" par
leurs travailleurs. Quelques extraits.
« L'Argentine adopte une loi
pour la récupération d’entreprise
[...] "Avec l’approbation de cette loi, des milliers d’ouvriers d’Argentine récupèrent le droit de produire et de se répartir les fruits de leur travail", s’est félicité le Dr. Luis Caro, président du Mouvement national des fabriques récupérées par leurs travailleurs (MNFRT), à l’origine du projet de loi. [...]
En premier lieu, les travailleurs gagnent un droit de contrôle sur les dépôts de bilan. Un travailleur, désigné par ses collègues, pourra assister aux audiences, réviser les dossiers des créanciers et ainsi vérifier si les entrepreneurs ont fraudé. Il sera également informé de tous les mouvements dans le dossier pour prévenir les tentatives de sabotage de la source de travail. Une autre avancée majeure est celle qui accorde aux travailleurs la possibilité d’être candidats au sauvetage de leur entreprise, en utilisant leurs crédits salariaux (indemnisations) pour acquérir les actions, et ainsi éviter la faillite. [...]
Enfin, la réforme établit que les hypothèques seront suspendues pendant deux ans, chaque fois que la coopérative formée par les anciens travailleurs le demandera. Cela leur donnera de l’oxygène pour relancer l’entreprise avant de devoir rembourser ses créanciers. [...] Cette adaptation législative révèle une certaine normalisation du phénomène de récupération d’entreprises – les statistiques du ministère du Travail de la Nation font mention de 280 cas dans le pays. Ce qui apparaissait comme disruptif dans le contexte de la crise de 2001 s’est aujourd’hui ancré dans le paysage socio-économique argentin, et la défense de la source de travail a acquis une forte légitimité. Il est ainsi significatif que cette loi ait obtenu la quasi unanimité à la Chambre des députés comme au Sénat.
Cette réforme vient enterrer la première voie légale historiquement empruntée par les entreprises récupérées, que sont les lois d’expropriation. La ville ou l’Etat provincial, reconnaissant le droit au travail comme un motif d’utilité publique, expropriaient les établissements en faillite avant de les confier sous forme de commodat aux ex-travailleurs regroupés sous forme de coopératives. La faiblesse de ces lois venait du fait que les expropriations n’étaient presque jamais indemnisées, replongeant les travailleurs dans la procédure d’insolvabilité une fois le délai écoulé dans le cas des expropriations provisoires, ou les laissant dans une précarité juridique importante lorsque les anciens propriétaires en venaient à attaquer la loi en justice.
Certains travailleurs d’entreprises récupérées continuent néanmoins à défendre l’expropriation face au rachat des entreprises en faillite par leurs travailleurs. C’est le cas des membres du Mouvement national des entreprises récupérées (MNER) et de l’Association nationale des travailleurs autogérés (ANTA), qui réclament une loi nationale d’expropriation pour les entreprises récupérées, accompagnée de la création d’un fond d’indemnisation. Ils considèrent en effet que ce n’est pas aux travailleurs de prendre en charge les dettes de leurs anciens patrons. Certains partis d’extrême-gauche vont quant à eux jusqu’à réclamer une loi d’expropriation sans indemnisation. En effet, la voie adoptée par la réforme en cours, inspirée de la philosophie réformiste du MNFRT, est celle qui contredit le moins le droit de propriété. [...] »
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