Sorti début mars
"De l’utopie !", de Pierre Macherey
Présentation : « Pourquoi s’intéresser aujourd’hui aux discours des utopistes ? Peut-être parce que, ce dont nous manquons le plus, c’est précisément d’utopie, sans même avoir conscience de ce manque. Plus fondamentalement, l’utopie ne correspond-elle pas au sentiment diffus que quelque chose ne va pas dans
la société, à quoi il faudrait de toute urgence remédier,
ce qui fait d’elle l’expression d’un manque ?
Comment se tracer un chemin dans le massif touffu, irrégulier, de la tradition utopique, dont les contours sont incertains, comme inachevés ? En faisant fond sur ce qui fait principalement son prix : la mise en valeur, portée par son mode d’exposition narratif, des détails, les mille petits riens sur lesquels repose la vie sociale, ses "minuties" comme les appelle Fourier,
le grand poète de l’utopie.
La réflexion utopique fixe son attention, non sur des systèmes politiques fournis clés en main, avec leur rigide armature institutionnelle, mais sur les particularités, souvent incongrues, qui constituent concrètement le soubassement de l’existence communautaire, qu’elle prend à ras de terre en portant sur elle une vue rasante. C’est ce qui la distingue des grandes spéculations de la philosophie politique, qui, préoccupée par des problèmes centraux comme celui du pouvoir, ne s’abaisse pas à prendre en compte ce type de considérations, dont l’importance est, cependant, cruciale.
En relisant More, Bacon et Campanella, représentants exemplaires de ce qu’on peut appeler l’utopie classique, et Fourier, qui a développé un nouveau type d’utopie sociale propre à la modernité, on se donne quelques chances de s’orienter dans le dédale de la pensée utopique, une pensée qui demeure pour nous, y compris dans ses formes les plus anciennes, d’une brûlante actualité. » P. M.
EXTRAITS de l'introduction : « "De l’utopie !", cela signifie alors : retrouvons le chemin de l’utopie, réactivons la puissance de défi qu’elle recèle, au lieu de laisser celle-ci inemployée et de professer que les temps de l’utopie sont révolus, en même temps que sont "finies", déclarées nulles et non avenues, les idéologies dont elle ne serait en dernière instance que la forme la plus concentrée. Sachons à nouveau suivre l’utopie dans ses déroutantes opérations, osons dérailler avec elle, en prenant conscience que, d’ailleurs, elle pêche souvent davantage par surcroît que par défaut de rationalité ! [...]
"De l’utopie !", oui, mais plus de n’importe quelle sorte. Ce qu’il nous faut, c’est de l’utopie assortie de sa conscience critique, qui la prémunisse, au moins pour une part, contre ses fâcheux égarements. C’est à l’élaboration de cette conscience critique qu’on voudrait contribuer ici, en dégageant d’une lecture de certains pans de l’immense littérature utopique certaines leçons pouvant tenir lieu de mise en garde contre les dérives possibles de l’utopie, tout en préservant la charge de défi dont elle est porteuse. [...]
L’un des enseignements qu’on peut tirer de l’exploration de ce domaine riche et contrasté, c’est que l’utopie doit obligatoirement se penser, au pluriel, comme une forme éclatée, désordonnée, dont il serait vain de chercher à rassembler les fragments en les faisant rentrer de force dans le cadre d’une figure ou d’une structure unifiée, refermée sur elle-même, homogène et stable. [...] »
Diffusé par R-diffusion, réseau de diffusion de création contemporaine.
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