Le numéro 985 (mai 2011) de la revue "Europe" a intitulé son dossier
"Regards sur l'utopie".
Présentation : « Toute réflexion sur l'utopie butte inévitablement sur un problème préliminaire et incontournable, celui de sa définition. Comme cela arrive souvent dans les sciences humaines, l'ennui consiste non pas dans le manque de définition mais dans leur trop-plein. En quelque sorte, nous sommes obligés d'accepter le terme utopie avec sa polysémie notoire.
L'utopie est un phénomène culturel protéiforme. Elle offre de multiples aspects et a assumé de multiples fonctions au long de l'histoire. Quel rôle revient aux utopies dans la vie collective, dans l'histoire sociale, politique et culturelle ?
Quel est leur impact sur les mentalités, l'imaginaire social en particulier, sur les projets politiques ? L'histoire des utopies est-elle essentiellement culturelle et sociale, ou bien serait-elle surtout une histoire littéraire? Ou peut-être ces deux approches ne s'excluent pas mais se complètent ? Certaines époques, autant de « moments historiques », offrent-elles aux utopies un vaste champ d'action, tandis que dans d'autres conjonctures ce champ est beaucoup plus réduit ? Bien des questions se posent à propos de l'utopie.
On pourra en approfondir quelques-unes à la lecture de ce numéro qui revêt une particulière actualité dans une période historique où toute contestation radicale, toute résistance sont souvent renvoyées au discours "utopiste", considéré comme dangereux ou naïf… Un tabou pèse sur l'utopie, qu'il soit résumé par la célèbre phrase de Margaret Thatcher : "There is no alternative", ou qu'il soit conforté par l'échec des premières tentatives historiques de sortie du capitalisme. À l'âge de l'utopie aurait ainsi succédé celui du désenchantement plus ou moins résigné. Cependant, l'utopie n'a-t-elle pas un fondement anthropologique et ne naît-elle pas du pouvoir dont l'homme dispose pour se dégager de l'immédiat et du factuel afin d'inventer de nouveaux possibles ? Et plutôt que d'opposer utopie et désenchantement, ne convient-il pas, comme l'a suggéré Claudio Magris,
de les convier à cheminer ensemble comme Don Quichotte et Sancho Panza ?
Le désenchantement serait une forme d'ironie apte à protéger l'utopie en la retenant de s'abîmer dans de fatales illusions. Inversement, l'utopie tiendrait le désenchantement à l'abri du nihilisme désabusé et du cynisme. Si l'utopie est le « savoir de l'espérance », comme le disait Ernst Bloch, elle renvoie aussi à la nécessaire ouverture du sujet aux tendances et latences de l'être, aux affects de l'attente, à tout ce qui, en nous, refuse l'absolutisation du présent et "le faux réalisme qui prend la surface de la réalité pour la réalité tout entière". »
Sommaire du dossier "Regards sur l'Utopie" :
Regards sur l'utopie (J. Berchtold) ; Fictions historiques et conjonctures utopiques
(B. Baczko) ; Le monde arthurien, une utopie ? (E. Baumgartner) ; La part du jeu,
ou les origines rhétoriques de l'utopie (F. Lestringant) ; L'Utopie et Le Prince
(C. Pierrot) ; Humanité et nature - Tommaso Campanella (F. Venturi) ; Nouvel esprit utopique et non-lieux des esprits chez Tiphaigne de la Roche (Y. Citton) ; L'optimisme contre l'utopie (L. Loty) ; L'utopie et les genres apparentés : Pays de cocagne,
Âge d'or et Mondes à l'envers (R. Trousson) ; L'animal et la tentation du surhumain dans l'utopie classique (J. -M. Racault) ; Marx et l'utopie (F. Fischbach) ; Russie, utopies, révolution (J. -B. Para) ; L'utopie est-elle " le meilleur mot" ? (sur Ernst Bloch)
(T. Labica) ; 1984 d'Orwell et la question de la langue à la lumière des utopies classiques (J. -P. Sermain) ; L'autre, le moi et l'histoire (lecture croisée de Nous autres d'E. Zamiatine et de W ou le souvenir d'enfance de G. Perec) (A. Saignes) ; L'avenir s'invente ici (science-fiction utopique) (T. Hoquet) ; "Fermé pour cause de fatigue citoyenne" (M. Poirson) ; Le monde hors du temps (M. Porret) ; L'arc et les pierres. Fourier, Calvino, Bachmann (M. Rueff) ; L'utopie, au risque de l'incandescence
(M. Abensour) .
(une brillante et détaillée présentation (et résumé) des problématiques abordées).
1 commentaire:
Bravo pour ce blog, et merci de partager toutes ces précieuses infos. On voudrait nous faire croire que rien ne se passe, que rien ne bouge, nulle part. Heureusement qu'il y a Utoplib pour nous démontrer le contraire ! C'est une vraie bouffée d'espoir et d'air pur dans ce monde souvent étouffant.
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