23/05/2010

Grèce ? Ils se foutent de vous !

sauver grèce
Même si ce sujet ne s'intègre pas exactement aux thèmes habituellement traités dans ce blog, il est parfois important de remettre les choses en place et de semer son grain de sable pour gripper, à notre tout petit niveau, la désinformation de masse. Pour faire dans le grandiloquent, on pourrait dire qu'en Grèce, aujourd'hui, se joue l'avenir de l'Europe et du monde. Mais pas dans le sens où l'entendent gouvernements, commissions bruxelloises, grands patrons et pseudojournalistes à genoux et aux ordres.

Beaucoup de choses ont été écrites sur la crise grecque. Parmi toutes celles-là, je trouve que le communiqué de presse du CADTM (comité pour l'annulation de la dette du tiers-monde) expose clairement et de façon concise la situation.

Communiqué de CADTM (3 mai 2010) :

Soutien à la résistance du peuple grec
contre la dictature des créanciers !

Le nouveau plan d’austérité annoncé dimanche 2 mai est une véritable catastrophe pour la population grecque, les salariés du privé comme du public, les retraités et les privés d’emplois. Gel des salaires et des retraites de la fonction publique pendant cinq ans ; suppression de l’équivalent de deux mois de salaires pour les fonctionnaires ; diminution de 8 % de leurs indemnités déjà amputées de 12 % par le précédent plan d’austérité du gouvernement dirigé par le PASOK ; le taux principal de la TVA qui, après être passé de 19 à 21 %, est porté à 23 %, (les autres taux augmentent aussi –de 5 à 5.5% et de 10 à 11%). Les taxes sur le carburant, l’alcool et le tabac augmentent pour la deuxième fois en
un mois de 10 %.

Les départs anticipés (liés à la pénibilité du travail) sont interdits avant l’âge de 60 ans ; 
l’âge légal de départ à la retraite des femmes est porté de 60 à 65 ans d’ici 2013. 
Pour les hommes, l’âge légal dépendra de l’espérance de vie ; il faudra 40 ans de travail (et non plus 37, hors études et chômage) pour avoir une retraite à taux plein ; cette retraite sera calculée, non plus en fonction du dernier salaire mais selon le salaire moyen de la totalité des années travaillées (soit l’équivalent d’une baisse du montant net de la retraite de 45 à 60 %). L’Etat réduira ses dépenses de fonctionnement (santé, éducation) d’1,5 milliard d’euros. Les investissements publics seront réduits aussi d’1,5 milliard d’euros. Un nouveau salaire minimum pour les jeunes et les chômeurs longue durée est créé (soit l’équivalent du CPE rejeté en France par la jeunesse et les syndicats).

Une aubaine pour les marchés financiers et le capital
Les transports, l’énergie et certaines professions réservées à l’Etat seront libéralisés et ouverts au privé (privatisations). Le secteur financier (banques principalement) bénéficiera d’un fonds d’aide mis en place avec l’aide du FMI et l’UE. La flexibilité du travail sera renforcée. Les licenciements seront facilités. L’économie grecque est placée sous contrôle du FMI. La Grèce, restant dans la zone euro, ne pourra pas dévaluer sa monnaie, ni jouer sur les taux d’intérêt. La dette ne sera pas restructurée non plus, les institutions financières européennes en détiennent les 2/3. Ces mêmes banques continueront à emprunter auprès de la Banque centrale européenne à un taux de 1 % pour prêter aux Etats (moyennant rémunération).

En contrepartie de ces mesures, les pays de la zone euro vont prêter un par un une aide de 100 à 135 milliards d’euros sur trois ans à la Grèce à un taux de 5 % (45 milliards cette année). Les Etats riches et les banques vont donc faire de l’argent sur le dos du peuple grec. Christine Lagarde, ministre français des Finances, prévoit un bénéfice de 150 millions d’euros par an. Pratiquant ainsi, ils vont accroître la dette publique pour permettre à l’Etat grec de payer ses créanciers spéculateurs !

La crise grecque est la démonstration grandeur nature de la triple dangerosité du FMI, de l’Union Européenne et des marchés financiers. Le FMI, décrié à juste titre pour ses catastrophiques “plans d’ajustement structurels” refait surface dans la zone euro, après avoir sévi ces 2 dernières années dans plusieurs ex-pays de l’Est. Il utilise aujourd’hui les mêmes procédés qu’hier adaptés aux mêmes commanditaires : les marchés financiers et les transnationales. Aujourd’hui comme hier, c’est sa véritable nature de pompier pyromane qui est révélée en plein jour.

L’UE et sa commission ont également réaffirmé leurs paradigmes au service de la “concurrence libre et non faussée”. La Banque centrale européenne n’est pas au service des populations de l’Europe mais uniquement à celui des banques et des organismes financiers. Les marchés financers, après avoir provoqué et précipité la crise greque, via les agences de notation rémunérées par les grandes banques américaines, veulent tirer encore plus de profits de leurs stratégies spéculatives. Le gouvernement PASOK, l’Union européenne et le FMI lui en servent l’occasion sur un plateau.

Derrière l’industrie financière, il y a les multinationales
de l’industrie, du commerce et des services.
Si nous stigmatisons à juste titre les fonds spéculatifs, les agences de notation et l’industrie financière, nous ne perdons pas de vue que ce n’est que l’arbre qui cache la forêt ! Cette spéculation débridée qui étrangle les populations pauvres n’a été rendue possible que pour deux raisons principales : les dérèglementations successives des marchés financiers depuis les années 1980 ; les choix volontaires et conscients du grand patronat de destiner leurs nouveaux profits vers la spéculation plutôt que vers la production et l’emploi. Cette accumulation de nouveaux profits trouve, elle, son origine dans une nouvelle répartition des richesses au bénéfice des profits et au détriment de la part revenant aux salariés. Cette part à baissé d’environ 10 % de PIB en 25 ans en moyenne dans l’ensemble des pays développés. 
Cette orientation économique, portée par l’idéologie néolibérale, est la cause principale de la crise économique et financière que nous connaissons aujourd’hui.

Les différents gouvernements qui se sont succédés depuis trente ans, en Grèce comme dans les autres pays du Nord, portent aussi une lourde part de responsabilité dans l’augmentation des dettes publiques. Les politiques fiscales, menées en faveur des ménages les plus aisés et des grandes entreprises (impôt sur le revenu, le patrimoine et impôt sur les sociétés), ont considérablement diminué les recettes budgétaires et aggravé les déficits publics, obligeant les Etats à accroître leur endettement.

Les responsables de la crise sont épargnés
et c’est le peuple à qui on présente l’addition.
Dans le plan d’austérité PASOK-UE-FMI imposé au peuple grec, il n’y a en effet que des mesurettes sans effet pour établir le début d’une justice fiscale et absolument rien pour lutter contre l’évasion fiscale des profits des grandes entreprises. 
Les "solutions” du PASOK, de l’UE et du FMI précipitent la Grèce vers l’approfondissement de la crise. Une récession minimale de 4 points du PIB est déjà programmée pour 2010. Les petits artisans et commerçants, les petites entreprises vont connaître une longue suite de faillites et de fermetures d’activités. Le chômage va exploser et les couches populaires et les classes moyennes vont voir leur pouvoir d’achat tomber en chute libre. Les inégalités vont s’accroître et les droits humains fondamentaux (accès à l’énergie, à l’eau, à la santé, à l’éducation…) sont menacés pour la partie la plus pauvre de la population. [...]

Des solutions alternatives existent
Le remboursement de la dette publique de la Grèce doit être immédiatement suspendue et un audit public de celle-ci doit être mené pour décider de sa légitimité ou de son illégitimité.
Des mesures d’annulation doivent être prises et les revenus financiers de la dette doivent être taxés à la source au taux maximal de l’impôt sur le revenu.

Des mesures fiscales peuvent immédiatement être prises pour rétablir la justice fiscale et lutter contre la fraude. Aujourd’hui, selon les comptes du Trésor grec, les fonctionnaires (désignés comme boucs émissaires) et les ouvriers déclarent plus de revenus que les professions libérales (médecins, pharmaciens, avocats) ou encore que les dirigeants des banques ! La quasi-totalité des grandes entreprises (armateurs…) déclarent leurs profits dans des pays à fiscalité plus avantageuse (Chypre notamment) ou les cachent dans les paradis fiscaux.
L’église orthodoxe continue à bénéficier d’exhorbitantes exonérations fiscales sur le patrimoine et l’immobilier 
De l’argent, en Grèce, il y en a, mais pas là où le plan d’austérité veut le prendre ! [...] »

> Tous les articles du CADTM sur la Grèce, ICI.
> Les analyses d'ATTAC sur le sujet, ICI.

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