présente
LES NAUFRAGÉS DU FOL ESPOIR (Aurores)
une création collective mi-écrite par Hélène Cixous, librement inspirée d’un mystérieux roman posthume de Jules Verne.
« […] Et si nous y allions ? Si nous cherchions la lune sur la terre ? De quoi aurait-elle l’air ? Elle serait blanche, brillante et vierge. Ce serait une île. Imaginons. On pourrait y tracer le modèle de l’humanité future. On dessinerait la démocratie idéale trois mille ans après Eschyle. Jaurès a bien dit dans son premier éditorial du 18 avril 1904 que "l’Humanité n’existe pas encore, ou bien elle existe à peine…" Il voulait parler de l’Humanité humaine, naturellement, l’humanité humaniste, l’humanité-égalité, justice, partage. L’Humanité ! "L’Humanité n’existe pas encore" mais elle viendra. Elle vient.
Oh ! Oui c’est le siècle de l’Humanité qui vient, se dit-on. Et elle s’annonce moderne, dynamique. L’air est mythologique. Les êtres humains sont prolongés, agrandis, étendus, portés au-delà de leurs périmètres. Ils aspirent. Et Jaurès a dit : ou elle existe "à peine". Eh bien, si cet "à peine", c’était nous. On prendrait la peine de la faire naître à peine, un peu, modestement, idéalement, scène par scène. […] Jusqu’où irons-nous ?! Plus loin que l’Inde, plus loin que le Chili et l’Argentine ! Aujourd’hui, nous sommes le 29 juin 1914. Qu’est-ce qui pourrait nous arrêter ? »
Hélène Cixous
Le Théâtre du Soleil,
route du Champ de Manœuvres,
75012 Paris. Représentations les mercredi, jeudi, vendredi à 19 h 30, les samedi à 14 h et à 20 h et les dimanche à 13 h.
> Profitons de l'occasion pour nous pencher sur l'œuvre originale. D'après le blog de la Société Jules Verne, le roman original, En Magellanie, devenu Les Naufragés du Jonathan, a été «largement remanié (massacré ?) et augmenté par Michel Verne, le fils de Jules Verne (édité en 1909).
Un groupe de naufragés d'un millier de personnes se retrouve sur l'île Hoste, près du Cap Horn. L'homme qui les a sauvés, le Kaw-Djer, devient (ou redevient) leur dirigeant à chaque crise que subit cette population, bien qu'il soit anarchiste, “obligé d'aller à l'encontre de ses idées”.
Ce roman est ressenti de manières très diverses selon les lecteurs. Certains retiennent avant tout le caractère autocratique du Kaw-Djer. D'autres, à l'image de Francis Lacassin, voient en Jules Verne un “défenseur de toutes les minorités opprimées en quête de leur indépendance” et résument l'opinion de l'auteur par la devise “De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins”. »
Verne, très conservateur mais néanmoins admirateur des savants libertaires Reclus et Kropotkine et président d'une association espérantiste, y met en scène un anarchiste (son appartenance idéologique est plus que soulignée) individualiste, adepte de la non-violence, amis des Indiens, sensible et "rêveur" (« Sans doute, tout enivré par son rêve, il n’avait pu supporter ces règles d’airain qui, dans l’Univers civilisé, conduisent l’homme en laisse du berceau jusqu’à la mort, et un moment était venu où l’air lui avait semblé irrespirable dans cette forêt de lois innombrables par lesquelles les citoyens achètent, au prix de leur indépendance, un peu de bien-être et de sécurité. »).
A l'arrivée d'émigrants naufragés sur son île, il doit faire face, notamment, à un socialiste étatiste et à un communiste (le vrai danger, selon Verne), qui ne pensent qu'à "prendre le pouvoir" dans la nouvelle communauté, qui se baptisera bientôt Libéria. Peu à peu, devant la multiplication des conflits, le vieux sage « en arrivait à discuter avec lui-même la nécessité de l'autorité et d'une hiérarchie sociale ». Mais, malgré l'insistance de l'auteur, son personnage conserve jusqu'au bout sa philosophie. Jules Verne, indulgent, lui garde sa sympathie. Malgré tout. Un roman assez étonnant sous la plume du Grand Jules et une intéressante esquisse de débat sur le rôle de l'autorité dans une communauté libre.
> L'édition électronique, libre de droits, du livre de Jules Verne, est mise à dispo par la BEQ et Ebooks libres et gratuits, ICI.
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