07/04/2010

Contes anars

Samedi 10 mars
Petits et grands, venez écouter et voir les Contes libertaires :

• Otto, autobiographie d’un ours en peluche (Ecole des Loisirs, 1999) de Tomi Ungerer. Un ours en peluche raconte sa vie : compagnon de jeux de deux enfants allemands, David et Oskar, il est témoin de leur séparation, lorsque David, parce qu'il est juif, est emmené on ne sait où...
• Contes de l’Origami ou Comment un roi cherche sa couronne perdue. L’aventure d’un souverain contée en origami transformiste.
• Papa n’a pas le temps (Rivages, 1986), de Philippe Corentin. Et si on apprenait l’égalité ?

Lieu : librairie du Monde libertaire, 145, rue Amelot, Paris 11e. Entrée et participation libre. 16 h 30. A la fin des contes, il y aura un goûter.

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Puisqu'on parle de littérature pour enfants, profitons-en pour citer deux beaux livres parus en 2009. Ils sont signés de Gianni Rodari (1920-1980), journaliste et écrivain communiste, membre de l'école coopérative : La planète aux arbres de Noël et Patron et employé.

La planète aux arbres de Noël
(texte : G. Rodari, dessins : L. Placin, éditions Rue du Monde).

Voilà ce qu'en disait la journaliste Martine Laval dans Télérama :
rodari arbres de noel
« Imaginons une planète où tout tournerait à l'envers... Mieux : où tout marcherait comme dans le meilleur des mondes. Marco Milani, 9 ans et la langue bien pendue, se retrouve, par un curieux subterfuge, propulsé dans un autre univers. Collés à ses basques, émerveillés, nous le suivons dans des aventures aussi rocambolesques que charmantes.

Tout étonne le jeune Marco, tout le ravit. Ici, c'est la fête tous les jours. L'argent n'existe pas - “il ne manquerait plus que ça ! Tout le monde achète gratis !” Ici, “le travail est aussi libre que le repos”. Les tâches ingrates sont exécutées par des robots, tout contents de rendre service. Ici, pas d'agents de police mais un “gouvernement-qu'y-a-pas” car “un gouvernement est vraiment inutile quand les choses avancent toutes seules.” Seul mot d'ordre en vigueur : “Quiconque n'a pas la conscience tranquille est prié de la tranquilliser !”

[...] Gianni Rodari, grand cœur facétieux, un brin provocateur, dépoussière les vérités toutes faites : "Après mûre réflexion, je me suis finalement aperçu que les grands ont raison chaque fois qu'ils n'ont pas tort...” Il imagine un monde où tout serait possible, l'amitié, la liberté. Le malicieux s'amuse... à nous amuser, tout en titillant l'intelligence. »

Patron & employé ou l’automobile, le violon et le tram de course
(G. Rodari, C. Perrin, éditions Didier Jeunesse).

Voilà ce qu'en disait Philippe Geneste, dans la revue de littérature et de critique sociale Marginales (extraits) :

« [...] La dénonciation de l’injustice, le rejet de la guerre, l’appel à la liberté sont les caractéristiques des ouvrages [de Rodari]. Rien de machiavélique chez lui, rien de dogmatique ; pas de morale toute faite. Cet album, par exemple, illustre la lutte des classes, mais Rodari emprunte la voie de la création poétique pour plonger son regard dans le rapport social de la domination. [...]

Pour Rodari la littérature populaire est remplie de situations parlant de la domination : gagnants et perdants, rusés et grugés, puissants et opprimés avec, sous-jacent, une philosophie de la résignation. Ses contes, dont celui qu’offre à lire Didier jeunesse, s’enracinent dans la situation mais s’attaquent à la résignation par un travail d’écriture hors du commun. Le récit en vient, ainsi, à renverser la norme du conte et, du coup, ouvre à une contestation de l’ordre établi. [...]

rodari patron ouvrier















Il est intéressant de voir que dans un article des années 1970, où il défend le conte contre l’objection que “ça ne sert à rien, que ce n’est que de la fantaisie”, Rodari nous donne pratiquement la clé de Patron et employé : “Il n’est certes pas indispensable, pour une grande usine d’automobiles, que les tourneurs aiment Beethoven, que les techniciens lisent Montale ou jouent au tennis, sinon dans la mesure où de telles occupations peuvent être conçues comme des « distractions », des moments de « relax » entre une chaîne de montage et l’autre. Mais l’idéal éducatif de la direction du personnel d’une grande entreprise privée ou publique, n’est pas forcément le meilleur des idéaux éducatifs. (…) Les contes comme la musique comme la poésie, comme l’engagement politique et social, appartiennent à la vie de l’homme libre, de l’homme complet. Ils peuvent même représenter pour lui une défense contre une totale réduction à l’état d’esclavage.”

Le choix de l’invention littéraire, de l’approfondissement des procédés créatifs du langage, servent, chez Rodari, à contrer la volonté d’embrigader les esprits : “Un bon producteur-exécutant, un consommateur docilement soumis aux conseils de la publicité ne doit pas avoir d’imagination : il doit seulement être disponible pour tous les conditionnements”… Ce qui sonne très actuel !

[...] Ce que Rodari cherche à éviter c’est le récit à thèse ; ce qu’il cherche à atteindre c’est le récit qui combat l’acceptation passive du monde pour développer la capacité de la critiquer. Le contenu de la critique sera l’œuvre, alors, du lecteur [...] »

Voilà qui nous changera un peu des contes formatés...

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