Petit extrait de l'article d'André Gorz paru dans le numéro 28 de la revue d'écologie politique EcoRev (automne 2007). Thème du numéro : "Repenser le travail avec André Gorz".
Pour lire l'article en entier, c'est par ICI.
« [...] Cette sortie [du capitalisme] implique nécessairement que nous nous émanciperons de l’emprise qu’exerce le capital sur
la consommation et de son monopole des moyens de production.
Elle signifie l’unité rétablie du sujet de la production et du sujet
de la consommation et donc l’autonomie retrouvée dans
la définition de nos besoins et de leur mode de satisfaction. L’obstacle insurmontable que le capitalisme avait dressé sur cette voie était la nature même des moyens de production qu’il avait mis en place : ils constituait une mégamachine dont tous étaient les serviteurs et qui nous dictait les fins à poursuivre et la vie a mener.
Cette période tire à sa fin. Les moyens d’autoproduction high-tech rendent la mégamachine industrielle virtuellement obsolète. Claudio Prado [qui dirige le département de la culture numérique au ministère de la Culture du Brésil], invoque "l’appropriation des technologies" parce que la clé commune de toutes, l’informatique, est appropriable par tous. Parce que, comme le demandait Ivan Illich, "chacun peut [l’]utiliser sans difficulté aussi souvent ou aussi rarement qu’il le désire... sans que l’usage qu’il en fait empiète sur le liberté d’autrui d’en faire autant" ; et parce que cet usage (il s’agit de la définition illichienne des outils conviviaux) "stimule l’accomplissement personnel" et élargit l’autonomie de tous.
La définition que Pekka Himanen donne de l’éthique Hacker est très voisine : un mode de vie qui met au premier rang "les joies de l’amitié, de l’amour, de la libre coopération
et de la créativité personnelle".
Les outils high-tech existants ou en cours de développement, généralement comparables à des périphériques d’ordinateur, pointent vers un avenir où pratiquement tout le nécessaire et le désirable pourra être produit dans des ateliers coopératifs ou communaux ; où les activités de production pourront être combinées avec l’apprentissage et l’enseignement, avec l’expérimentation et la recherche, avec la création de nouveaux goûts, parfums et matériaux, avec l’invention de nouvelles formes et techniques d’agriculture, de construction, de médecine etc. Les ateliers communaux d’autoproduction seront interconnectés à l’échelle du globe, pourront échanger ou mettre en commun leurs expériences, inventions, idées, découvertes. Le travail sera producteur de culture, l’autoproduction un mode d’épanouissement.
Deux circonstances plaident en faveur de ce type de développement. La première est qu’il existe beaucoup plus de compétences, de talents et de créativité que l’économie capitaliste n’en peut utiliser. Cet excédent de ressources humaines ne peut devenir productif que dans une économie où la création de richesses n’est pas soumise aux critères de rentabilité.
La seconde est que "l’emploi est une espèce en voie d’extinction".
Je ne dis pas que ces transformations radicales se réaliseront. Je dis seulement que, pour la première fois, nous pouvons vouloir qu’elles se réalisent. Les moyens en existent ainsi que les gens qui s’y emploient méthodiquement. Il est probable que ce seront des
Sud-Américains ou des Sud-Africains qui, les premiers, recréeront dans les banlieues déshéritées des villes européennes les ateliers d’autoproduction de leur favela ou de leur township d’origine. »
André Gorz, octobre 2007.
(version revue et approfondie du texte écrit pour le manifeste d’Utopia. Il a depuis été publié dans son livre Écologica sous le titre La sortie du capitalisme a déjà commencé).
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